lundi 12 septembre 2011

L'AVIS DES PARFUMEURS

 
Marc Chevrier, parfumeur
Accordez-vous une préférence aux produits d'origine naturelle ou aux produits de synthèse ?

De part mes origines insulaires (Vanuatu,Tahiti), je suis passionné par les matières naturelles, je prends un soin particulier à recréer avec ma mémoire et mon sens olfactif des fleurs de tiaré, de frangipanier, de gingembre blanc... Je compose aussi bien avec des essences naturelles que des produits de synthèse. J'ai un respect immense pour la qualité des naturels, c'est un amour du produit, de la plante, un exercice de style qui demande du temps, de la poésie, de l'émotion. On peut faire des choses très belles avec des références toutes proches, en restant fidèle à son inspiration. Quand j'utilise par exemple l'Ylang-Ylang dans mes compositions, je fais le parcours de la fleur de Madagascar à mon laboratoire, cette histoire me fait rêver…


Jean-Pierre Bethouart, parfumeur
Comment compose-t'on aujourd'hui avec l'apport des nouvelles techniques de fabrication ?

On ne compose plus un parfum comme avant, en un siècle on est passé de quelques centaines de matières premières à des milliers. Grâce aux nouvelles technologies, comme le "Softact", on traite des produits naturels différemment, avec les "Nature Print" on reformule entièrement l'effluve d'une fleur ou d'une ambiance : c'est autant de nuances infinies pour enrichir notre palette. A l'heure actuelle, ce sont les technologies de la synthèse qui apportent le plus de ressources au parfumeur, dans une composition c'est souvent 50 à 90% des ingrédients qui proviennent de la synthèse. Regardez vos vêtements : qui porte encore du coton sans lycra ?!


Jean Jacques, parfumeur
Qu'attendre des avancées technologiques, en tant que parfumeur ?

Dans notre métier, on travaille de plus en plus vite, il nous faut allier l'inspiration à l'impulsion pour créer de nouveaux accords et se tenir sans cesse au courant des nouveautés. C'est vrai que nous sommes à l'affût d'un nouveau produit, que ce soit une nouvelle molécule, ce qui est très rare, ou une nouvelle qualité. C'est comme pour un peintre : c'est une nouvelle couleur! Par exemple l'apport de l'extraction par CO2 est extraordinaire, on obtient des matières à très fort impact dès les notes de tête dans un respect optimal de l'odeur naturelle, la cannelle à fleur de bois, les baies roses fraîchement moulues…
Le consommateur ne s'y trompe pas : dans les premières secondes il est séduit par cette présence très moderne et très qualitative. Pour les matières premières synthétiques -ce sont pour nous des ingrédients très précieux pour créer de nouveaux équilibres- un autre accord est un nouvel élan qui nous plonge dans le futur. C'est aussi souvent une odeur reconstituée pour faire revivre une matière du passée, comme les notes animales ou irisées, des valeurs sûres qu'on modernise et qui nous font sortir du temps.


Françis Thibaudeau, President de la Société Française des Parfumeurs
Une matière première peut-elle disparaître ?

A Grasse, nous sommes sur les sites de production du jasmin, de la rose, de la lavande et nous pratiquons les 3 méthodes traditionnelles de fabrication : l'extraction par solvants, la distillation et l'enfleurage que nous sommes les seuls à utiliser encore.
Aujourd'hui en tant que Président de la Société Française des Parfumeurs, je m'engage pour la sauvegarde des matières premières naturelles comme le Géraniol ou le Limonem car certaines sont menacées par une législation de plus en plus stricte et taxées d'allergène sans tenir compte, ni de leur concentration, ni du taux de risque, qui reste minime (1 pour 500 millions)… à ce rythme, la commission Brusselloise (SCCNFP*) va imposer un étiquetage systématique et fastidieux qui va à l'encontre des intérêts du marché comme du consommateur.

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